miércoles, 27 de abril de 2016

Stéphane Mallarmé: Autobiografía. Carta a Verlaine 3


AUTOBIOGRAPHIE
(suite et fin)


Rien de si simple alors que je n’aie pas eu hâte de recueillir les mille bribes connues, qui m’ont, de temps à autre, attiré la bienveillance de charmants et excellents esprits, vous le premier ! Tout cela n’avait d’autre valeur momentanée pour moi que de m’entretenir la main : et quelque réussi que puisse être quelquefois un des morceaux ; à eux tous c’est bien juste s’ils composent un album, mais pas un livre. Il est possible cependant que l’Éditeur Vanier m’arrache ces lambeaux mais je ne les collerai sur des pages que comme on fait une collection de chiffons d’étoffes séculaires ou précieuses. Avec ce mot condamnatoire d’Album, dans le titre, Album de vers et de prose, je ne sais pas ; et cela contiendra plusieurs séries, pourra même aller indéfiniment, (à côté de mon travail personnel qui je crois, sera anonyme, le Texte y parlant de lui-même et sans voix d’auteur).

Ces vers, ces poèmes en prose, outre les Revues Littéraires, on peut les trouver, ou pas, dans les Publications de Luxe, épuisées, comme le Vathek, Le Corbeau, Le Faune.

J’ai dû faire, dans des moments de gêne ou pour acheter de ruineux canots, des besognes propres et voilà tout (Dieux Antiques, Mots Anglais) dont il sied de ne pas parler : mais à part cela, les concessions aux nécessités comme aux plaisirs n’ont pas été fréquentes. Si à un moment, pourtant, désespérant du despotique bouquin lâché de Moi-même, j’ai après quelques articles colportés d’ici et de là, tenté de rédiger tout seul, toilettes, bijoux, mobilier, et jusqu’aux théâtres et aux menus de dîner, un journal, La Dernière Mode, dont les huit ou dix numéros parus servent encore quand je les dévêts de leur poussière à me faire longtemps rêver.

Au fond je considère l’époque contemporaine comme un interrègne pour le poète, qui n’a point à s’y mêler : elle est trop en désuétude et en effervescence préparatoire, pour qu’il ait autre chose à faire qu’à travailler avec mystère en vue de plus tard ou de jamais et de temps en temps à envoyer aux vivants sa carte de visite, stances ou sonnet, pour n’être point lapidé d’eux, s’ils le soupçonnaient de savoir qu’ils n’ont pas lieu.

La solitude accompagne nécessairement cette espèce d’attitude ; et, à part mon chemin de la maison (c’est 89, maintenant, rue de Rome) aux divers endroits où j’ai dû la dîme de mes minutes, lycées Condorcet, Janson de Sailly enfin Collège Rollin, je vague peu, préférant à tout, dans un appartement défendu par la famille, le séjour parmi quelques meubles anciens et chers, et la feuille de papier souvent blanche. Mes grandes amitiés ont été celles de Villiers, de Mendès et j’ai, dix ans, vu tous les jours mon cher Manet, dont l’absence aujourd’hui me paraît invraisemblable !  Vos Poètes Maudits, cher Verlaine, À Rebours d’Huysmans, ont intéressé à mes Mardis longtemps vacants les jeunes poètes qui nous aiment (mallarmistes à part) et on a cru à quelque influence tentée par moi, là où il n’y a eu que des rencontres. Très affiné, j’ai été dix ans d’avance du côté où de jeunes esprits pareils devaient tourner aujourd’hui.

Voilà toute ma vie dénuée d’anecdotes, à l’envers de ce qu’ont depuis si longtemps ressassé les grands journaux, où j’ai toujours passé pour très-étrange : je scrute et ne vois rien d’autre, les ennuis quotidiens, les joies, les deuils d’intérieur exceptés. Quelques apparitions partout où l’on monte un ballet, où l’on joue de l’orgue, mes deux passions d’art presque contradictoires, mais dont le sens éclatera et c’est tout. J’oubliais mes fugues, aussitôt que pris de trop de fatigue d’esprit, sur le bord de la Seine et de la forêt de Fontainebleau, en un lieu le même depuis des années : là je m’apparais tout différent, épris de la seule navigation fluviale. J’honore la rivière, qui laisse s’engouffrer dans son eau des journées entières sans qu’on ait l’impression de les avoir perdues, ni une ombre de remords. Simple promeneur en yoles d’acajou, mais voilier avec furie, très-fier de sa flottille.

Au revoir, cher ami. Vous lirez tout ceci, noté au crayon pour laisser l’air d’une de ces bonnes conversations d’amis à l’écart et sans éclat de voix, vous le parcourrez du bout des regards et y trouverez, disséminés, les quelques détails biographiques à choisir qu’on a besoin d’avoir quelque part vus véridiques. Que je suis peiné de vous savoir malade, et de rhumatismes ! Je connais cela. N’usez que rarement du salicylate, et pris des mains d’un bon médecin, la question dose étant très-importante. J’ai eu autrefois une fatigue et comme une lacune d’esprit, après cette drogue ; et je lui attribue mes insomnies. Mais j’irai vous voir un jour et vous dire cela, en vous apportant un sonnet et une page de prose que je vais confectionner ces temps, à votre intention, quelque chose qui aille là où vous le mettrez. Vous pouvez commencer, sans ces deux bibelots. Au revoir, cher Verlaine. Votre main


Le paquet de Villiers est chez le concierge : il va sans dire que j’y tiens comme à mes prunelles ! C’est là ce qui ne se trouve plus : quant au Contes Cruels, Vanier vous les aura, Axël se publie dans la Jeune France et l’Ève future dans la Vie  Moderne.


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AUTOBIOGRAFÍA
(tercera y última parte)

Nada tan simple pues como para que yo no me haya apresurado a recoger los mil fragmentos conocidos, que me han procurado, de tanto en tanto, la indulgencia de encantadores y excelentes espíritus, ¡usted, el primero! Todo eso no tenía para mí más valor momentáneo que el de hacerme la mano: y por muy logrado que pueda estar a veces uno de los fragmentos; entre todos apenas si componen un álbum, pero no un libro. Es posible sin embargo que el Editor Vanier me arrebate estos fragmentos pero yo sólo los pegaré en páginas tal como se hace una colección de retazos de telas seculares o preciosas. Con esta palabra condenatoria de Álbum, en el título, Álbum de versos y prosa, no sé; y eso contendrá varias series, podrá incluso continuar indefinidamente, (junto con mi trabajo personal, que, creo, será anónimo, ya que el Texto hablará en él por sí mismo y sin voz de autor).

Esos versos, esos poemas en prosa, además de en las Revistas Literarias, uno puede encontrarlos, o no, en las Publicaciones de Lujo, agotadas, como el Vathek, El cuervo, El fauno.

Tuve que hacer, en momentos de estrechez o para comprar ruinosos botes, trabajos correctos sin más (Dioses Antiguos, Palabras inglesas) de los que es mejor no hablar: pero, aparte de esto, las concesiones a las necesidades así como a los placeres no han sido frecuentes.  Si bien en cierto momento, sin embargo, desesperando del despótico libro abandonado de Mí Mismo, intenté, luego de algunos artículos repartidos por aquí y por allá, redactar yo solo, atuendos, joyas, muebles y hasta teatros y menús para la cena, un periódico, La última moda, cuyos ocho o diez números publicados todavía sirven cuando los desvisto de su polvo para hacerme soñar largo rato.

En el fondo considero la época contemporánea un interregno para el poeta, que no tiene que mezclarse con ella: está demasiado anticuada y en efervescencia preparatoria, para que él tenga otra cosa que hacer que no sea trabajar con misterio en vistas de más tarde o de nunca y de tanto en tanto enviar a los vivos su tarjeta de visita, estrofas o soneto, para no lo lapiden, si llegan a sospechar que él sabe que no existen.

La soledad acompaña necesariamente esta especie de actitud; y, aparte de mi camino desde casa (es el 89, ahora, de la Rue de Rome) a los distintos sitios en que he pagado el diezmo de mis minutos, liceos Condorcet, Janson de Sally, por último Colegio Rollin, vago poco, prefiriendo a todo en un apartamento defendido por la familia, la vida en medio de algunos muebles antiguos y caros, y la hoja de papel a menudo blanca. Mis grandes amistades han sido la de Villiers, la de Mendès, ¡y he visto todos los días, durante diez años, a mi querido Manet, cuya ausencia hoy me parece inverosímil! Sus Poetas malditos, querido Verlaine, A contrapelo de Huysmans, interesaron en mis Martes por largo tiempo vacantes a los jóvenes poetas que nos aman (mallarmistas aparte) y hubo quien creyó en alguna influencia intentada por mí allí donde sólo hubo coincidencias. Muy perceptivo, he estado con diez años de antelación del lado hacia el que jóvenes espíritus semejantes debían volverse hoy.

Ésta es toda mi vida despojada de anécdotas, contrariamente a lo que durante tanto tiempo han remachado los grandes diarios, para los que siempre he pasado por alguien muy extraño. escruto, y no veo nada más, las molestias cotidianas, las alegrías, exceptuados los duelos interiores. Algunas apariciones en cualquier lugar en que se monte un ballet, en que se toque el órgano, mis dos pasiones de arte casi contradictorias, pero cuyo sentido se hará patente y eso es todo. Me olvidaba de mis fugas, tan pronto como presa de demasiado cansancio mental, hacia los bordes del Sena y del bosque de Fontainebleau, a un lugar siempre el mismo desde hace años: allí me veo del todo diferente, apasionado únicamente por la navegación fluvial. Rindo mis honores al río, que deja que se hundan en su agua días enteros sin que uno tenga la impresión de haberlos perdido, ni un asomo de remordimiento. Simple paseante en yolas de caoba, pero velero entusiasta, muy orgulloso de su flotilla.

Adiós, querido amigo. Usted leerá todo esto, escrito con lápiz para dar la apariencia de una de esas buenas conversaciones entre amigos apartados de los demás y en voz baja, lo recorrerá con una mirada distraída y encontrará en ello, diseminados, los escasos detalles biográficos que es posible elegir y que de algún modo se necesita haber visto como verídicos. ¡Cuánto me apena saber que está enfermo, y de reumatismos! Conozco eso. Sólo rara vez use salicilato, y tomado de las manos de un buen médico, ya que la cuestión de la dosis es muy importante. Hace tiempo yo tuve una fatiga y como una laguna mental, después de esta droga; y le atribuyo mis insomnios. Pero algún día iré a verlo y a decirle esto, llevándole un soneto y una página de prosa que voy a elaborar durante este tiempo, pensando en usted, algo que quede bien donde usted lo ponga. Puede empezar, sin esas dos chucherías. Adiós, querido Verlaine. Le estrecho la mano



El paquete de Villiers lo tiene el portero: ¡de más está decir que para mí es tan importante como la niña de mis ojos! Es algo que ya no se encuentra: en cuanto a los Cuentos crueles, Vanier se los conseguirá, Axël se publica en la Jeune France y la Eva futura en la Vie Moderne.

Traducción, para Literatura & Traducciones, de Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán. 
http://delamirandola.com/