domingo, 6 de septiembre de 2009

Isabelle Eberhardt



Isabelle Eberhardt nació en Ginebra el 17 de febrero de 1877, de padre ruso de origen armenio convertido al Islam y de madre rusa de origen judío convertida al cristianismo. Su infancia estuvo marcada por el turbulento medio cosmopolita de exiliados en el que creció.

A los veinte años abandonó Suiza para seguir a Argelia a un medio hermano que se había alistado en la Legión Extranjera. En Argelia, el desierto y las tribus beduinas se transformaron en su verdadera patria. Allí adoptó, con gran escándalo de la población europea, la vestimenta y el modo de vida de un jinete árabe y se convirtió al Islam, al mismo tiempo que se dedicaba a escribir cuentos y novelas ambientados en ese mundo que ella había hecho suyo. Una obra variada y abundante y en gran parte publicada póstumamente.

Isabelle Eberhardt murió el 21 de octubre de 1904 en la inundación de Oued Sefra al borde del Sahara.



Pleurs d'amandiers

A Maxime Noiré, le peintre des horizons en feu et des amandiers en pleurs.

Bou-Saada, la reine fauve vêtue de ses jardins obscurs et gardée par ses collines violettes, dort, voluptueuse, au bord escarpé de l'oued où l'eau bruisse sur les cailloux blancs et roses. Penchés comme en une nonchalance de rêve sur les petits murs terreux, les amandiers pleurent leurs larmes blanches sous la caresse du vent... Leur parfum doux plane dans la tiédeur molle de l'air, évoquant une mélancolie charmante...

C'est le printemps et, sous ces apparences de langueur, et de fin attendrie des choses, la vie couve, violente, pleine d'amour et d'ardeur, la sève puissante monte des réservoirs mystérieux de la terre, pour éclore bientôt en une ivresse de renouveau.

Le silence des cités du Sud règne sur Bou-Saada et, dans la ville arabe, les passants sont rares. Dans l'oued pourtant, circulent parfois des théories de femmes et de fillettes en costumes éclatants.

Mlahfa violettes, vert émeraude, rose vif, jaune citron, grenat, bleu de ciel, orange, rouges ou blanches brodées de fleurs et d'étoiles multicolores... Têtes coiffées du lourd édifice de la coiffure saharienne, composée de tresses, de mains d'or ou d'argent, de chaînettes, de petits miroirs et d'amulettes, ou couronnées de diadèmes ornés de plumes noires. Tout cela passe, chatoie au soleil, les groupes se forment et se déforment en un arc-en-ciel sans cesse changeant, comme des essaims de papillons charmants.

Et ce sont encore des groupes d'hommes vêtus et encapuchonnés de blanc, aux visages graves et bronzés, qui débouchent en silence des ruelles ocreuses...

Depuis des années, devant une masure en boue séchée au soleil ami, deux vieilles femmes sont assises du matin au soir. Elles portent des mlahfa rouge sombre, dont la laine épaisse forme des plis lourds autour de leur corps de momies. Coiffées selon l'usage du pays, avec des tresses de laine rouge et des tresses de cheveux gris teints au henné en orangé vif, elles portent de lourds anneaux dans leurs oreilles fatiguées, que soutiennent des chaînettes d'argent agrafées dans les mouchoirs de soie de la coiffure. Des colliers de pièces d'or et de pâte aromatique durcie, de lourdes plaques d'argent ciselé couvrent leurs poitrines affaissées; à chacun de leurs mouvements rares et lents, toutes ces parures et les bracelets à clous de leurs chevilles et de leurs poignets osseux, tintent.

Immobiles comme de vieilles idoles oubliées, elles regardent, à travers la fumée bleue de leurs cigarettes, passer les hommes qui n'ont plus un regard pour elles, les cavaliers, les cortèges de noces, les caravanes de chameaux ou de mulets, les vieillards caducs qui ont été leurs amants, jadis... tout ce mouvement de la vie qui ne les touche plus.

Leurs yeux ternes, démesurément agrandis par le kehol leurs joues fardées quand même, malgré les rides, leurs lèvres rougies, tout cet apparat jette comme une ombre sinistre sur ces vieux visages émaciés et édentés.

... Quand elles étaient jeunes, Saâdia, à la fine figure aquiline et bronzée, et Habiba, blanche et frêle, charmaient les loisirs des Bou-Saadi et des nomades.

Maintenant, riches, parées du produit de leur rapacité d'antan, elles contemplent en paix le décor chatoyant de la grande cité où le-Tell se rencontre avec le Sahara, où les races d'Afrique viennent se mêler. Et elles sourient... à la vie qui continue immuable et sans elles, ou à leurs souvenirs... qui sait ?

Aux heures où la voix lente et plaintive des moueddhen appelle les croyants, les deux amies se lèvent et se prosternent sur une natte insouillée, avec un grand cliquetis de bijoux. Puis elles reprennent leur place et leur songerie, comme si elles attendaient quelqu'un qui ne vient pas...

Rarement, elles échangent quelques paroles.

-Regarde, ô Saâdia, là-bas. Si Chââlal, lleee cadi... Te souviens-tu du temps où il était mon amant? Quel fringant cavalier c'était alors! Comme il enlevait adroitement sa jument noire! Et comme il était généreux, quoique simple adel encore. A présent, il est vieux... Il lui faut deux serviteurs pour le faire monter sur sa mule aussi sage que lui, et les femmes n'osent plus le regarder en face... lui dont je mangeais les yeux de baisers!

- Oui... Et Si Ali, le lieutenant,, qui, sssimple spahi, était venu avec Si Châlal, et que j'ai tant aimé? T'en souviens tu? Lui aussi, c'était un cavalier hardi et un joli garçon... Comme j'ai pleuré, quand il est parti pour Médéah! Lui, il riait, il était heureux; on venait de le nommer brigadier et il m'oubliait déjà... Les hommes sont ainsi... Il est mort l'an dernier... Dieu lui accorde sa miséricorde !

Parfois, elles chantent des couplets d'amour qui sonnent étrangement dans leurs bouches à la voix chevrotante, presque éteinte déjà.

Et elles vivent ainsi, insouciantes, parmi les fantômes des jours passés, attendant que l'heure sonne.

... Le soleil rouge monte lentement derrière les montagnes drapées de brume légère. Une lueur pourpre passe à la face des choses, comme un voile de pudeur. Les rayons naissants sèment des aigrettes de feu à la cime des dattiers et les coupoles d'argent des marabouts semblent en or massif. Pendant un instant, toute la vieille ville fauve flambe, comme calcinée par une flamme intérieure, tandis que les dessous des jardins, le lit de l'oued, les sentiers étroits demeurent dans l'ombre, vagues, comme emplis d'une fumée bleue qui délaye les formes, adoucit les angles, ouvrant des lointains de mystère entre les petits murs bas et les troncs ciselés des dattiers... Sur le bord de la rivière, la lueur du jour incarnadin teinte en rose les larmes éparses, figées en neige candide, des amandiers pensifs.

Devant la demeure des deux vieilles amies, le vent frais achève de disperser la cendre du foyer éteint, qu'elle emporte en un petit tourbillon bleuâtre. Saâdia et Habiba ne sont pas à leur place accoutumée.

A l'intérieur, une plainte tantôt rauque, tantôt stridente, monte. Autour de la natte sur laquelle Habiba est couchée, tel un informe paquet d'étoffe rouge, sur l'immobilité raide duquel les bijoux scintillent étrangement, Saâdia et d'autres amoureuses d'antan se lamentent, se déchirant le visage à grands coups d'ongles. Et le cliquetis des bijoux accompagne en cadence la plainte des pleureuses.

A l'aube, Habiba, trop vieille et trop usée, est morte sans agonie, bien doucement, parce que le ressort de la vie s'était peu à peu brisé en elle.

... on lave le corps à grande eau, on l'entoure de linges blancs sur lesquels on verse des aromates, puis on le couche, le visage tourné vers l'Orient. Vers midi, des hommes viennent qui emportent Habiba vers l'un des cimetières sans clôture où le sable du désert roule librement sa vague éternelle contre les petites pierres grises, innombrables.

C'est fini... Et Saâdia, seule désormais, a repris sa place. Avec la fumée bleue de son éternelle cigarette achève de s'exhaler le peu de vie qui reste encore en elle, tandis que sur les rives de l'oued ensoleillé et dans l'ombre des jardins, les amandiers finissent de pleurer leurs larmes blanches, en un sourire de tristesse printanière...

ISABELLE EBERHARDT


El llanto de los almendros

A Maxime Noiré, pintor de los horizontes encendidos y del llanto de los almendros.

Bu-Saadá, la reina salvaje vestida con sus jardines obscuros y custodiada por sus colinas violetas, duerme, voluptuosamente, junto a las escarpadas orillas del río, donde el agua murmura entre los guijarros blancos y rosados. Inclinados, como en un onírico abandono, sobre los pequeños muros de barro, los almendros lloran sus lágrimas blancas bajo la caricia del viento... Su perfume suave se expande en la tibieza del aire y hace brotar una dulce melancolía.

Es primavera y, bajo esas apariencias de languidez y de fin enternecido de todas las cosas, la vida se agazapa, violenta, llena de amor, ardiente; la poderosa savia sube de las reservas misteriosas de la tierra y estalla súbitamente en una renovada ebriedad.

El silencio de las ciudades del sur reina sobre Bu-Saadá y, en la ciudad árabe, escasean los paseantes. Junto al lecho casi seco del río, sin embargo, pasan, a veces, hileras de mujeres con vestidos resplandecientes. Mlahfas violetas, verde esmeralda, rosa encendido, amarillo limón, granates, celestes, anaranjadas, rojas o blancas, bordadas con flores o estrellas multicolores… Cabezas cubiertas por el pesado edificio de los peinados del Sahara, compuesto de trenzas, de manos de oro o plata, de cadenillas, de espejitos y de amuletos, o coronados de diademas adornadas con plumas negras. Todo aquello pasa, resplandece bajo el rayo del sol; los grupos se forman y se deshacen dibujando un arcoiris siempre cambiante, como bandadas de encantadoras mariposas.

Hay además grupos de hombres con túnicas y capuchones blancos, de rostro grave y bronceado, que desembocan en silencio de las ocres callejuelas...

Desde hace años, delante de una casucha hecha de un barro secado por el sol amistoso, dos viejas mujeres pasan el día sentadas de la mañana a la noche. Llevan puestas mlahfas rojo oscuras cuya lana gruesa cae con pesados pliegues sobre sus cuerpos de momias. Peinadas a la usanza del país con trenzas de lana roja y de cabellos grises que la alheña tiñe de naranja vivo, tienen puestos en las orejas pesados aros sostenidos por cadenillas de oro y plata enganchadas a los pañuelos de seda que les cubren la cabeza. Collares hechos de monedas de oro y de pasta aromática endurecida; pesadas placas de plata ciselada que cubren los viejos pechos; cada uno de sus movimientos, lentos e inhabituales, hace sonar todas las joyas y los brazaletes con clavos que llevan en los tobillos y en las muñecas huesudas.

Inmóviles como viejos ídolos olvidados, miran pasar, a través de la humareda azul de sus cigarrillos, a los hombres que ya no tienen ni siquiera una mirada para ellas, a los jinetes, a los cortejos de bodas, a las caravanas de camellos y de mulos, a los viejos caducos que fueron, antaño, sus amantes… Todo ese movimiento de la vida que ya en nada les concierne.

Los ojos sin brillo, desmesuradamente agrandados por el kohol, las mejillas maquilladas a pesar de las arrugas, los labios enrojecidos, toda esa pompa arroja una especie de sombra siniestra sobre los viejos rostros flacos y las bocas desdentadas.

…Cuando eran jóvenes, Saadiá, con su rostro fino, aquilino y delgado; y Habiba, blanca y frágil, hechizaban los ocios de los hombres de Bu-Saadá y de los nómades del desierto.

Ahora, ricas, adornadas con el producto de su antigua rapacidad, contemplan en paz el decorado rutilante de la gran ciudad en donde El Tell se une con el Sahara, adonde vienen a mezclarse todas las razas de Africa. Y le sonríen… a la vida que, sin inmutarse, continúa sin ellas, o a sus recuerdos… ¿quién podría saberlo?

A las horas en que la voz lenta y quejosa de los almuecines llama a los creyentes, las dos amigas se levantan y se prosternan, con gran ruido de alhajas, sobre una esterilla inmaculada. Luego vuelven a su lugar y a sus ensoñaciones como si esperasen a alguien que no viene…

Rara vez intercambian algunas palabras.

— "Mira, allá lejos, Saadiá. Si-Shalal el cadí… ¿te acuerdas de la época en que era mi amante? ¡Qué airoso jinete era! ¡Con que maestría sofrenaba su yegua negra! ¡Y qué generoso era, a pesar de ser un simple soldado! Ahora está viejo… Le hacen falta dos sirvientes para poder montar esa mula tan tranquila como él; y las mujeres ya no se atreven a mirarlo a los ojos… ¡esos ojos que yo me comía a besos!"

— "Sí… ¿Y Si-Alí, el lugarteniente que había venido como simple espahí con Si-Shalal y que amé tanto? ¿Te acuerdas de él? El también era un apuesto muchacho y un jinete audaz… ¡Cómo lloré cuando se marchó a Medeáh! El reía y estaba feliz porque acababan de nombrarlo brigadier; y ya había empezado a olvidarme… Así son los hombres…Murió el año pasado… ¡Que Dios se apiade de él!

Cantan, a veces, cantilenas de amor que suenan extrañamente en esas bocas de voz temblorosa, ya casi apagada.

Y viven así, despreocupadas, entre los fantasmas de los días pasados, esperando que la hora suene.

… El sol rojo sube lentamente por detrás de las montañas cubiertas de una bruma ligera. Un resplandor púrpura pasa sobre la faz de las cosas, como un velo de pudor. Los primeros rayos ponen diademas de fuego en la cima de los dátiles; y las cúpulas de plata de los marabutos parecen hechas de oro macizo. Durante un instante, la vieja ciudad salvaje arde, como si la abrasase una llama interior; mientras que las partes bajas de los jardines, el lecho seco del río, los estrechos senderos, permanecen en la sombra, vagos, como invadidos por un humo azul que borrase las formas y suavizara los ángulos, dejando ver la misteriosa lejanía por entre los pequeños muros bajos y los troncos ciselados de los dátiles. A orillas del río seco, el resplandor del día rojizo tiñe de rosa las lágrimas que vierten, como una nieve blanca, los almendros pensativos.

Frente a la casa de las dos viejas amigas, la brisa termina de dispersar la ceniza del hogar apagado, llevándosela en un pequeño remolino azul. Saadiá y Habiba no se encuentran en su sitio habitual.

En el interior, un lamento, ora ronco ora estridente, se eleva. Alrededor de la esterilla sobre la que Habiba está acostada, semejante a un bulto informe de tela roja sobre cuya dura inmovilidad centellean extrañamente las joyas, Saadiá y otras enamoradas de antaño se lamentan, rasgándose el rostro con las uñas. Y el cliquetear de las alhajas acompaña rítmicamente el lamento de las lloronas.

Al alba, Habiba, demasiado vieja y demasiado gastada, murió sin agonía, muy dulcemente porque el resorte de la vida se había ido rompiendo poco a poco.

...lavan el cuerpo con mucha agua, lo envuelven en lienzos blancos en los que vuelcan aceites aromáticos, luego la acuestan, con el rostro vuelto hacia el Oriente. Hacia el mediodía llegan algunos hombres para llevárselo a uno de esos cementerios sin muros en los que la arena del desierto hace rodar libremente, sobre las pequeñas e innumerables lápidas grises, su ola eterna.

Todo ha terminado… Y Saadiá, sola, de ahora en adelante, ha vuelto a ocupar su lugar. Con la humareda azul de su eterno cigarrillo, va yéndose la poca vida que aún hay en ella, mientras a orillas del río seco que el sol ilumina y en la sombra de los jardines, los almendros terminan de llorar sus blancas lágrimas, con una sonrisa de tristeza primaveral…

Traducción de Miguel Frontán Alfonso.

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